Ce « dossier thématique » propose une large gamme de processus et de moments d’expérimentalisme qui ont marqué et continuent de marquer la littérature, la critique littéraire et les domaines connexes, tels que les discours créatifs ou critiques sur le théâtre et les arts en général, sur la philosophie, l’esthétique et, dans la mesure du possible, sur d’autres sphères potentielles du savoir humaniste. Par conséquent, les approches méthodologiques qui sous-tendront les exposés mettront en lumière les critères, les situations et les contextes qui contribuent à définir le sens des termes « expérimentalisme », « performance » et « intertextualité ». Il sera intéressant d’observer comment les significations de ces concepts, choisis comme principales grilles de lecture, évoluent dans le temps avec leurs motivations esthétiques.

Ce numéro de Meridian Critic vise à rassembler un large spectre de modèles et de registres discursifs, dont l’analyse révélera l’acte littéraire / créatif dans son processus de constitution, en prenant comme points de référence, principalement, la littérature universelle et roumaine, sans exclure les possibilités d’un discours humaniste plus large. Parmi les formes les plus attrayantes que la littérature met à disposition pour susciter le jeu et la performance littéraire, en conjonction avec d’autres figures de l’écriture de second degré, il faut considérer le phénomène de l’intertextualité. Tous les éléments mentionnés précédemment contribuent à renforcer l’idée de dynamique textuelle, déjà consubstantielle aux mécanismes de l’intertextualité, comme on peut le déduire de la définition même du concept, dès les premières approches théoriques qui lui ont été consacrées.

Mais dans la théorie de la performance également, en considérant le terme dans un sens très général, c’est-à-dire appliqué à plusieurs arts et domaines, la processualité de l’œuvre/discours est centrale. D’autre part, dans le contexte des dernières décennies, nous pouvons partir de l’idée largement acceptée par les critiques du postmodernisme et des pratiques de type performance, selon laquelle l’exhibition des conventions théâtrales est une « forme unificatrice du postmodernisme » (Michel Benamou, Performance in Postmodernism Culture, 1977), apparaissant en fait comme dominante dans la culture occidentale contemporaine. De toute évidence, les modèles de performance littéraire et théâtrale partagent plusieurs caractéristiques, le point de jonction entre ces visions résidant précisément dans la perception de l’œuvre comme processus, accompagnée de la conscience théorique et de la centralité du jeu.

Dans la littérature roumaine, l’un des exemples les plus représentatifs vient de la littérature des années 1980, qui emprunte toute une série d’éléments à l’esthétique du spectacle théâtral ainsi qu’à celle de la performance scénique. Par conséquent, les possibilités expressives offertes par le langage dramatique, les accessoires et les techniques du théâtre, ainsi que la « mise en scène » affichée comme telle, c’est-à-dire les simulations et les travestissements de tout type, dans leur double valence d’effets littéraires et d’attitudes existentielles, sont communes à un bon nombre de ces écrivains.

De plus, en partant de l’observation de la force potentielle d’un texte, activée, par exemple, par la citation – l’indice le plus emblématique du phénomène intertextuel, capable de transformer la condition statique d’un contexte en un processus dynamique de production de sens -, les études des contributeurs établiront les enjeux esthétiques et extra-esthétiques de cette même figure du palimpseste dans une perspective représentative de la littérature européenne et non européenne, actuelle et plus ancienne, qui s’adapte à la fois à une présentation synchronique, privilégiant le dialogue direct ou indirect entre orientations et écrivains, mouvements, groupes artistiques affines, mais aussi à une perspective diachronique. On pourra ainsi déduire un cadre théorique inhérent à l’utilisation de l’intertextualité, destiné à révéler les mécanismes nécessaires à la compréhension des significations possibles, générées par les procédés de citation, d’allusion culturelle et d’autres « signaux » de ce genre.

L’un des moments les plus féconds où la littérature s’est manifestée comme performance dans la culture roumaine a été celui marqué par l’avant-garde historique, à savoir la composante la plus expérimentale du modernisme local, qui a entretenu des relations étendues et intenses avec le Futurisme, le Dadaïsme, le Cubisme littéraire, l’Expressionnisme et le Surréalisme. Par conséquent, une section du numéro 2/2025 de Meridian Critic pourrait être consacrée à ce chapitre de la littérature roumaine et, également, au cadre multiforme des relations culturelles de l’avant-garde avec les mouvements européens contemporains.

Avec le changement de contexte historique, marqué en Roumanie, à partir de 1948 et jusqu’en 1989, par les contraintes de la censure au service de l’idéologie de la dictature, l’entité de l’expérimentalisme change, pour garantir la survie de la valeur esthétique dans la littérature et l’art, mais aussi pour donner voix à des messages de nature éthique et politique, en mettant en mouvement des stratégies codifiées. Dans ces circonstances, l’expérimentalisme, exprimé à travers la métalittérature, qui est à l’origine de nombreuses « pièces de résistance » des années 1960 et 1970, en poésie et en prose, crée l’impression d’un certain excès d’autoréflexivité, dans des conditions où l’inter- et la métatextualité ont été, en fait, les seules ancres de salut servant la cause de la préservation de la valeur esthétique.

L’évolution de notre culture vers le paradigme multiforme du postmodernisme dans les dernières décennies du XXe siècle (et dans d’autres cultures à une période antérieure) projette dans l’acte d’écrire de la poésie, de la prose, du théâtre et, dans une mesure plus limitée, d’exercer la démarche critique, une expérience similaire à la pratique de la performance, destinée à exalter le plaisir du texte. Outre les écrivains et les écrivaines de la Génération ‘80, les critiques eux-mêmes (de la littérature et de l’art) deviennent des virtuoses, capables de séduire le lecteur par des pages ressemblant à de la littérature à part entière.

Le défi herméneutique que nous lançons pourrait également refléter des questions supplémentaires, telles que :

• Existe-t-il des différences d’approche, de stratégie, de moyens utilisés lorsque l’expérimentalisme défini comme performance s’exerce par rapport au passé littéraire ou bien par rapport aux cas où il se concentre sur des auteurs et des contextes contemporains dans le domaine de l’art, de la création, au sens large ?

En ce qui concerne strictement la littérature roumaine :

• Quelles sont les étagères les plus expérimentales de la littérature roumaine, vue comme une bibliothèque fascinante, pleine de textes encore à découvrir — littéraires, artistiques, théoriques et critiques ? (La question est valable pour toute littérature que nous pourrions envisager.)
• En ce qui concerne l’intertextualité de type postmoderniste, de quelle manière le rapport aux prédécesseurs et à leurs textes se fait-il ? (Dans la littérature roumaine, l’attitude est souvent révérencieuse, généreusement intégratrice.)

En réunissant ces perspectives, le numéro 2/2025 de Meridian Critic propose de décliner ces axes thématiques à partir d’une pluralité d’angles méthodologiques, théoriques et critiques. À travers de nombreuses séquences de métalittérature, de métathéâtre, d’autoréflexivité, le corpus de textes soumis à l’analyse permettra d’explorer, dans la littérature et dans d’autres domaines pris comme référence par chaque chercheur, les modalités et techniques compositionnelles et stylistiques visant à reprendre de manière spectaculaire, sur le mode intertextuel, les topos antiques et modernes, culminant avec la maîtrise des « arts combinatoires » les plus variés, capables d’abolir avec virtuosité le passé, pour projeter l’histoire de la créativité littéraire et non littéraire dans une simultanéité éternelle et inépuisable.

Nous publierons également des contributions originales pour les autres sections de la revue

(Exégèses, Langue et communication, Comptes rendus).

Les articles doivent être rédigés en roumain, anglais, français ou allemand.

Les contributions (maximum 7000 mots), accompagnés d’un résumé en anglais (maximum 200 mots), de 5 mots-clés et d’une brève présentation de l’auteur (une note biographique de maximum 400 mots) doivent être envoyés à : emilia.david@unipi.it.

Veuillez consulter le site web de la revue pour plus de détails sur les règles de rédaction : Règles de rédaction

Date limite de soumission des contributions : le 31 août 2025.